Sèmè City, Bénin – Vendredi 21 février 2025, dans l’enceinte du dynamique campus Sèmè One, un événement d’une portée symbolique et culturelle majeure s’est tenu : la célébration de la Journée internationale des langues maternelles, sous le thème évocateur « Anɔnugbè, Xù, Acɛ̀ – Langues, Cultures & Influences ». Initié par IamYourClounon, en partenariat avec Africa Design School, le Bureau des étudiants et ICOM Bénin, ce rassemblement a offert un vibrant hommage à la diversité linguistique béninoise, en affirmant son rôle fondamental dans l’économie, la culture et la diplomatie du pays.
Un hommage silencieux avant une parole forte
Dès l’ouverture, l’atmosphère était empreinte de gravité : M. Fabroni Bill Yoclounon, fondateur de IamYourClounon, a invité l’audience à observer une minute de silence en mémoire de M. Kouaro Yves Chabi, ministre récemment disparu dans un accident dramatique. « Nos langues comptent dans la balance diplomatique et nous ne devons pas avoir honte de parler nos langues maternelles », a-t-il souligné avec émotion, lançant ainsi les débats sur la valeur inestimable des langues locales.
Langues et identité : un levier pour l’influence
La première partie des rencontres a été consacrée aux liens entre langues maternelles, tourisme, diplomatie et rayonnement culturel. Sous la houlette d’experts tels que Koffi Attédé, directeur de la Bibliothèque nationale du Bénin, Yannis Adebiaye, directeur de communication et de marketing de « Bénin Tourisme », et Nathalie Hounvo Yèkpe, directrice du centre culturel « Le Cartel », le constat fut sans appel : la langue est bien plus qu’un simple moyen de communication ; elle est un vecteur d’influence.
« Nú mi jló ná jlá Anɔnugbè mǐtɔn lɛ́ ɔ‚ é ɖó ná bɛ́sín xwè mǐtɔn lɛ́ gbè‚ Hɛnnù mǐtɔn lɛ́ mɛ« , a rappelé Koffi Atédé. (« Pour promouvoir nos langues, ça commence à la maison. La meilleure façon, c’est de les parler. »)
L’usage des langues locales dans les projets touristiques, comme les « Vodun Days » ou « WeLoveEya », a été cité en exemple, illustrant comment elles peuvent enrichir l’expérience touristique et ancrer l’authenticité du Bénin dans l’imaginaire international.
Pour Yannis Adebiaye, cette connexion entre langue et culture est essentielle : « Anɔnugbè mǐtɔn lɛ́ didó ɔ́‚ é ɖì tomɛyiyi. Mi dó gbè mǐtɔn lɛ́ ɔ́‚ mi nɔ yì aca mǐtɔn tɛnmɛ tɛnmɛ lɛ́ mɛ. » (« Les langues béninoises sont un voyage. Les parler, c’est aller au cœur de nos cultures. »)
L’entrepreneuriat créatif en langues locales
La deuxième table ronde, animée par des artistes et entrepreneurs culturels comme Gopal Das, Sènami Donoumasso et Didier Nassegandé, a démontré comment les langues maternelles peuvent devenir des catalyseurs économiques et créatifs.
Créer du contenu en langues locales n’est pas qu’un acte militant : c’est une stratégie de différenciation, un atout pour l’innovation dans l’artisanat, le numérique ou le commerce digital. « Préserver une langue maternelle, c’est préserver une vision du monde« , a rappelé Didier Nassegandé. Une perspective reprise avec force dans les interventions.
Nathalie Hounvo Yèkpe a quant à elle souligné la dimension affective et protectrice du geste : « Nú mi ɖó wanyíyí nú mǐɖee ɔ́‚ mi ɖó ná dó Anɔnugbè mǐtɔn lɛ́. Gbè mɛtɔn didó ɔ‚ wì bà nú mɛɖe wɛ. » (« Parler nos langues, c’est nous aimer et nous protéger. »)
L’atelier : croiser le design et la langue
L’après-midi a vu naître une expérience collective enthousiasmante : un atelier créatif intitulé « Langues en design, design en langues », animé par Fabroni Bill Yoclounon. Étudiants, professionnels et artistes ont exploré de nouveaux champs lexicaux en langues locales pour enrichir les terminologies du design.
La méthode : traduire et adapter des termes techniques du design en langues béninoises, illustrant ainsi que, loin d’être des entraves, les langues maternelles peuvent devenir des vecteurs d’innovation et d’adaptation culturelle.
« L’intégration des langues maternelles dans les secteurs stratégiques est un levier indiscutable pour le développement économique et culturel« , a conclu M. Yoclounon, résumant l’ambition de l’atelier.
Un futur tissé de mots ancestraux
La journée s’est achevée sur un appel collectif : continuer à valoriser, numériser et intégrer les langues maternelles dans tous les secteurs de la vie nationale.
IamYourClounon s’est engagé à accompagner les initiatives de numérisation des langues, à soutenir les projets nés de l’atelier, et à œuvrer pour l’intégration des langues locales dans les formations touristiques et entrepreneuriales.
Et comme un manifeste, il faut retenir que :
« Si nous abandonnons nos langues au profit d’autres, nous risquons aussi d’adopter une vision qui ne nous appartient pas.«